Intelligence Artificielle pour la Supply Chain : Etat des lieux et cas d’usages

Intelligence Artificielle pour la Supply Chain : Etat des lieux et cas d’usages

L’intelligence artificielle (IA) n’est plus une promesse futuriste, mais une réalité qui redéfinit la Supply Chain. De la prédiction affinée des ventes à la création de scénarios de risques inédits, l’IA se déploie sous deux formes puissantes : l’IA prédictive et l’IA générative. Cet article vous plonge au cœur de cette révolution, en explorant les fondements techniques, les cas d’usage concrets et les limites de ces technologies. Découvrez comment le Machine Learning et les Large Language Models (LLMs) transforment la gestion des stocks, anticipent les problèmes de qualité, optimisent la maintenance et bien plus encore.

IA prédictive vs IA générative : 2 technologies distinctes pour des usages différents

Le renouveau de l’Intelligence Artificielle

L’intelligence artificielle (IA) a connu un essor fulgurant ces dernières années, transformant de nombreux secteurs, dont la Supply Chain. Si les prémices de l’Intelligence Artificielle remontent à l’Antiquité avec les mythes de Pygmalion et Galatée, c’est à partir des années 1950 que l’IA moderne a commencé à se développer.

Depuis les années 2010, l’IA prédictive, et plus particulièrement le Machine Learning et les réseaux de neurones, a connu une croissance exponentielle. Cette technologie permet d’analyser des données historiques pour prédire des résultats futurs, à condition de disposer de données en quantité suffisante.

En 2022, une nouvelle révolution a eu lieu avec l’émergence de l’IA générative et des Large Language Models (LLMs) comme ChatGPT d’OpenAI. Ces modèles, basés sur une évolution du Machine Learning et entraînés sur des corpus de textes massifs, sont capables d’interpréter et de générer du langage naturel. Ils ne se contentent plus de prédire, mais créent des réponses originales et contextuelles.

Cette avancée a ouvert la voie à la création de modèles génératifs pour d’autres types de données, tels que les images, les sons et les vidéos.

IA prédictive vs. IA générative : Comprendre les différences techniques

L’intelligence artificielle (IA) se décline en deux grandes catégories : l’IA prédictive et l’IA générative.

L’IA prédictive, ou Machine Learning, s’articule autour de l’apprentissage de modèles à partir de données existantes. On distingue principalement deux approches :

  • Apprentissage supervisé :
    • Ici, le modèle est entraîné sur des données étiquetées, c’est-à-dire des données pour lesquelles on connaît la « bonne réponse ».
    • Par exemple, pour prédire le prix d’une maison, on entraîne le modèle sur un ensemble de données contenant les caractéristiques de maisons (surface, nombre de pièces, etc.) et leur prix de vente. Le modèle apprend ainsi à associer les caractéristiques aux prix, et peut ensuite prédire le prix de nouvelles maisons.
  • Apprentissage non supervisé :
    • Dans ce cas, le modèle est entraîné sur des données non étiquetées, et doit découvrir des structures cachées dans ces données.
    • Par exemple, on peut utiliser l’apprentissage non supervisé pour regrouper des clients en fonction de leurs comportements d’achat, sans connaître a priori les différents groupes de clients.

L’IA générative, quant à elle, se concentre sur la création de nouvelles données. Elle utilise des modèles complexes, tels que les Large Language Models (LLMs), qui sont entraînés sur d’immenses quantités de données.

  • Les LLMs, basés sur l’architecture Transformer, apprennent à modéliser les relations entre les mots et les phrases, et peuvent ainsi générer du texte cohérent et pertinent.
  • Contrairement à l’IA prédictive, qui cherche à prédire une valeur ou une catégorie, l’IA générative cherche à générer de nouvelles données qui ressemblent aux données d’entraînement.
  • L’IA générative apprend la distribution de probabilité des données, et est donc capable de générer de nouveaux éléments qui appartiennent à cette même distribution.

Une distinction supplémentaire entre IA prédictive et IA générative : l’entrainement des modèles

L’implémentation de solutions d’intelligence artificielle (IA) dans la Supply Chain révèle une différence cruciale entre l’IA prédictive et l’IA générative : l’approche de l’apprentissage.

Pour l’IA prédictive, bien que des modèles pré-entraînés soient disponibles, il est souvent plus efficace d’entraîner un modèle avec vos propres données. Ce processus, bien que nécessitant temps et ressources de calcul, garantit des résultats plus pertinents et adaptés à vos besoins.

L’IA générative présente une réalité différente. La complexité de ces modèles, comme les Large Language Models (LLMs), rend leur entraînement par des entreprises non spécialisées pratiquement impossible. À titre d’exemple, l’entraînement des modèles d’OpenAI a nécessité un investissement estimé à 100 millions de dollars.

L’approche privilégiée pour l’IA générative est l’adaptation de modèles existants via le RAG (Retrieval Augmented Generation). Cette méthode permet d’enrichir les capacités des modèles en leur fournissant un accès à des bases de données, documents techniques ou images pertinents, pour des réponses plus précises et contextuelles.

Choisir la bonne approche pour vos besoins

Il est essentiel de comprendre les différences fondamentales entre l’IA prédictive et l’IA générative pour choisir la solution la plus adaptée à vos besoins. L’IA prédictive, basée sur l’analyse de données historiques, excelle dans la prévision de scénarios futurs similaires. Elle permet d’anticiper des événements en se basant sur des modèles entraînés sur des situations passées.

L’IA générative, quant à elle, offre une capacité unique à créer de nouvelles données et des réponses originales. Elle s’appuie sur l’apprentissage de modèles complexes et peut intégrer des documents externes pour enrichir ses connaissances et générer des contenus pertinents et contextuels.

Focus sur l’IA prédictive et ses applications pour la Supply Chain

Les typologies de modèles d’IA prédictives

L’IA prédictive s’appuie sur une variété de modèles statistiques et d’apprentissage automatique, chacun ayant des finalités différentes.

  • Modèles de régression : utilisés pour prédire des valeurs numériques continues, comme des paramètres optimaux de stock.
  • Modèles de classification : utilisés pour prédire des catégories ou des classes.
  • Modèles de séries temporelles : conçus pour analyser des données qui évoluent dans le temps, comme les ventes, les cours boursiers ou la météo.
  • Modèles de clustering : servent à regrouper les données en ensembles en fonction de leurs similarités. Contrairement aux autres modèles présentés ci-dessus, il s’agit ici d’apprentissage non supervisé (on ne connait pas à l’avance les différents regroupements)

Pour chacun de ces types de modèles, on pourra s’appuyer sur une structuration sous forme de réseaux neuronaux – mais ce n’est pas systématique (ceux-ci sont souvent plus performants, mais aussi plus gourmands en temps et en énergie).

Quelques cas d’usages de l’IA prédictive pour la Supply Chain

L’IA prédictive a des débouchés particulièrement intéressants pour la Supply Chain. En voici quelques exemples :

  • Améliorer la qualité des prévisions de ventes :

Les modèles de séries temporelles se distinguent des algorithmes de prévision classiques par leur capacité à exploiter la dimension temporelle des données. Contrairement aux méthodes traditionnelles qui traitent les données comme des points isolés, les modèles de séries temporelles reconnaissent que les valeurs passées permettent de prévoir les valeurs futures. Cette approche leur permet de capturer des motifs complexes tels que les tendances, les saisonnalités et les cycles, qui sont essentiels pour des prévisions précises.

Par exemple, un modèle de série temporelle peut détecter une augmentation des ventes de glaces en été ou une baisse des ventes de manteaux en hiver, des phénomènes que les algorithmes classiques auraient du mal à identifier. De plus, ces modèles peuvent s’adapter aux changements de comportement des données au fil du temps, ce qui les rend plus robustes face aux fluctuations du marché.

  • Améliorer la gestion des stocks :

L’IA prédictive permet une approche plus fine de la gestion des stocks. Grâce au clustering, les articles sont regroupés selon leurs comportements spécifiques (saisonnalité, volatilité), ce qui permet d’adapter les stratégies de stockage à chaque catégorie.

L’optimisation des points de réapprovisionnement et des quantités de commande est grandement améliorée : l’IA calcule ces paramètres en temps réel, intégrant les prévisions de demande, les délais, et les coûts, tout en tenant compte des contraintes de stockage. De plus, la détection proactive des anomalies (variations de demande, erreurs) et l’évaluation des risques (ruptures, obsolescence) permettent de prendre des mesures préventives, assurant ainsi une gestion des stocks plus agile et réactive.

  • Anticiper les problèmes de qualité :

L’IA prédictive, via les modèles de classification, révolutionne le contrôle qualité en passant d’une approche réactive à une stratégie proactive. En analysant en temps réel les données de production (température, pression, vitesse, etc.), ces modèles identifient les lots à risque avant même qu’ils ne présentent de défauts. Par exemple, un modèle entraîné sur des données historiques peut prédire la probabilité qu’un lot dépasse les seuils de tolérance, permettant ainsi une intervention précoce. Cette approche réduit considérablement les coûts liés aux rebuts et aux retours clients, tout en améliorant l’efficacité du contrôle qualité.

  • Anticiper les opérations de maintenance des équipements :

La maintenance prédictive, propulsée par l’IA, transforme radicalement la gestion des équipements industriels. En analysant en continu les données issues de capteurs (température, vibrations, pression, etc.), les modèles d’IA prédictifs identifient les signaux faibles annonçant une défaillance imminente. Par exemple, une augmentation progressive des vibrations d’un moteur peut signaler un déséquilibre, permettant ainsi de planifier une intervention avant la panne.

Cette approche permet de réduire considérablement les arrêts de production non planifiés, d’optimiser les interventions de maintenance et de prolonger la durée de vie des équipements. En anticipant les problèmes, l’IA prédictive minimise les coûts de maintenance et maximise la disponibilité des équipements, assurant ainsi une production plus fluide et efficace.

Les limites de l’IA prédictive

Bien que l’IA prédictive soit un outil puissant, elle présente des limites dans la Supply Chain. Sa performance dépend fortement de la qualité et de la quantité des données disponibles. Les modèles peuvent être biaisés si les données d’entraînement ne sont pas représentatives, conduisant à des prévisions erronées. De plus, les événements imprévus, tels que les crises géopolitiques ou les catastrophes naturelles, peuvent perturber les modèles, car ils ne sont pas présents dans les données historiques. L’IA prédictive excelle dans l’analyse de tendances passées, mais elle peine à gérer l’incertitude et la nouveauté.

C’est là que l’IA générative peut apporter une valeur ajoutée. En simulant des scénarios complexes et en générant de nouvelles données, elle permet d’explorer des situations inédites et de renforcer la résilience de la chaîne d’approvisionnement face aux imprévus.

Focus sur l’IA générative et ses applications pour la Supply Chain

IA générative : Technologies à l’œuvre

L’IA générative au sens large couvre de nombreuses typologies de modèles. Cela intègre les LLMs (Large Language Models), mais aussi les modèles de génération d’images, de vidéos, de sons… Toutefois, ce qui nous intéressera particulièrement ici, ce sont les LLMs, qui peuvent être particulièrement utiles à la gestion de la Supply Chain, particulièrement lorsqu’on y adjoint du RAG et des outils pour en faire des Agents (ou « IA action » – cf ci-dessous).

Les LLMs : Des cerveaux numériques entraînés à grande échelle

Les Large Language Models (LLMs) sont au cœur de la révolution de l’IA générative. Ils sont construits sur l’architecture Transformer, qui utilise des mécanismes d’attention pour traiter les séquences de données, comme le texte. Ces modèles sont entraînés sur d’immenses quantités de texte, ce qui leur permet d’apprendre les règles de la langue, les faits du monde et même certaines formes de raisonnement. L’entraînement se fait de manière non supervisée, ce qui signifie que les modèles apprennent à prédire le mot suivant dans une séquence sans avoir besoin de données étiquetées. Cette capacité à prédire et à générer du texte cohérent est ce qui rend les LLMs si puissants pour des tâches comme la rédaction, la traduction et la conversation.

RAG : Ancrer les LLMs dans la réalité

Le Retrieval-Augmented Generation (RAG) est une technique qui permet d’améliorer la précision et la pertinence des LLMs en les connectant à des sources de données externes. Au lieu de se fier uniquement aux connaissances apprises pendant l’entraînement, un LLM équipé de RAG peut rechercher des informations pertinentes dans une base de données ou sur Internet avant de générer une réponse. Cela permet de réduire les hallucinations (informations inventées) et de fournir des réponses plus factuelles et à jour. Par exemple, un LLM utilisé pour répondre à des questions sur les produits d’une entreprise peut utiliser RAG pour rechercher les informations les plus récentes dans la base de données de l’entreprise.

Agents : Des LLMs qui agissent dans leur environnement

Les agents sont une évolution des LLMs qui leur permet d’interagir avec le monde extérieur en effectuant des actions. Ils sont équipés d’outils et de capacités qui leur permettent d’exécuter des tâches comme envoyer des e-mails, effectuer des recherches sur Internet ou contrôler des appareils. Les agents sont souvent utilisés pour automatiser des processus complexes ou pour créer des assistants virtuels plus intelligents. Par exemple, un agent pourrait être utilisé pour automatiser le processus de commande de fournitures de bureau, en recherchant les meilleurs prix, en passant les commandes et en suivant les livraisons. Ils peuvent également être utilisés pour effectuer des analyses de données complexes, en combinant la capacité de génération de texte des LLMs avec la capacité d’exécution d’actions des agents.

Quelques cas d’usage de l’IA générative pour la Supply Chain

Les cas d’usages de l’IA générative pour la gestion de la Supply Chain sont nombreux et variés. Nous allons explorer quelques exemples ci-dessous :

  • Fournir une base de connaissance accessible et utilisable au quotidien :

Grâce au RAG (cf plus haut), l’IA générative peut s’appuyer sur la documentation de l’entreprise (bases de données fournisseurs, produits, ventes, transactionnelles…) pour assister les employés de manière fiable, voire pour communiquer directement avec le client en première approche (pour en savoir plus sur le suivi d’une commande, par exemple) grâce à un Chat en langage naturel

  • S’assurer d’avoir les bons indicateurs (KPIs) au bon moment :

L’IA générative peut s’adapter aux utilisateurs, à leurs fonctions dans l’entreprise et à leurs besoins spécifiques (tour de contrôle, préparation de réunions, rapports d’activité…) pour leur proposer des indicateurs (KPIs) ou tableaux de bord pertinents, voire pour construire à la volée des indicateurs et rapports en piochant les bonnes informations dans les bases de données de l’entreprise

  • Automatiser les tâches et optimiser les processus :

L’IA générative, et particulièrement les LLMs combinés à des agents (ou « IA action »), permet d’automatiser des tâches complexes et d’optimiser les processus de la Supply Chain. Par exemple, pour la gestion automatisée des documents, un agent pourrait extraire les informations clés des factures (numéro de commande, quantités, prix) et les saisir automatiquement dans le système ERP, réduisant ainsi les erreurs et les délais. Pour l’optimisation des itinéraires de transport, un agent pourrait analyser en temps réel les données de trafic, les conditions météorologiques et les contraintes de livraison (délais, capacités des camions) pour recalculer dynamiquement les itinéraires, minimisant ainsi les coûts et les retards. Enfin, pour la gestion proactive des stocks, un agent pourrait surveiller en continu les niveaux de stock, les prévisions de demande et les délais de livraison, et déclencher automatiquement les commandes de réapprovisionnement ou les transferts de stock entre entrepôts, évitant ainsi les ruptures et les surstocks.

  • Optimiser la planification et la gestion des risques :

Les LLMs peuvent générer des scénarios de perturbation de la chaîne d’approvisionnement (catastrophes naturelles, crises géopolitiques, etc.) et évaluer leur impact potentiel. Ils peuvent générer des plans de contingence adaptés à chaque scénario de risque, en tenant compte des spécificités de l’entreprise et de sa chaîne d’approvisionnement.

De manière plus générale, toute tache intellectuelle répétitive ou processus basés sur des critères précis peut être abordé par le prisme de l’IA générative pour un gain en productivité

Les limites de l’IA générative

Bien que l’IA générative offre des perspectives prometteuses pour la Supply Chain, son utilisation n’est pas sans limites. Outre le risque d’hallucinations, où les modèles peuvent générer des informations incorrectes ou inventées, se pose la question de la fiabilité des données générées. De plus, la complexité des modèles et leur manque de transparence peuvent rendre difficile l’explication des résultats et la prise de responsabilité en cas d’erreur.

Les modèles étant gourmands en ressources, on se posera aussi la question de savoir si l’on souhaite les internaliser (quitte à les héberger sur des serveurs en cloud), ou si l’on souhaite faire appel directement à des modèles hébergés, avec le risque de partage de données critiques à des tiers.

Enfin, l’intégration de l’IA générative dans les processus existants nécessite une adaptation des systèmes et des compétences, ce qui peut engendrer des coûts et des perturbations.

Tous ces sujets méritent d’être traités lors d’un projet IA pour maitriser les risques et tirer le meilleur des solutions retenues.

Conclusion et perspectives

L’IA, avec ses deux visages – prédictif et génératif – se révèle être un levier de transformation sans précédent pour la Supply Chain. De la prévision affinée à la simulation de scénarios complexes, elle offre des outils puissants pour optimiser les opérations, anticiper les risques et innover. Si l’IA prédictive excelle dans l’analyse de données passées pour éclairer l’avenir, l’IA générative ouvre de nouvelles perspectives en créant des contenus originaux et en simulant des situations inédites. Toutefois, il est crucial de garder à l’esprit les limites de ces technologies, notamment en matière de fiabilité des données et de biais potentiels. L’avenir de la Supply Chain réside dans une utilisation judicieuse de l’IA, en combinant ses forces avec l’expertise humaine pour créer des chaînes d’approvisionnement plus agiles, résilientes et durables.

Valentin Schnapper

Valentin Schnapper

  • LinkedIn

1 Comment